jeudi 30 novembre 2006

Cuisine Moléculaire

Première expérience pour comprendre le phénomène de l'émulsion : commencer à faire une mayonnaise normale, puis ajouter de l'huile en fouettant et encore de l'eau (doser environ 20 ml d'eau pour chaque tasse d'huile). La seule difficulté pour obtenir 24 litres de mayonnaise avec un seul oeuf est de disposer du récipient !

Deuxième exercice élémentaire : réussir une gelée d'eau sucrée chaude. Chauffer 500 cl d'eau, y laisser infuser une gousse de vanille, puis fondre environ 30 g de sucre candi. Ajouter 5 g d'agar-agar (mot d'origine malaise désignant un gélifiant obtenu par dessiccation et pulvérisation d'algues rouges, qui assurait autrefois la réussite de l'entremets Franco-Russe, vendu en sachets), mélanger, puis porter la température à 90 °C. Verser ensuite à mi-hauteur dans de petits ramequins et incorporer, selon le goût, des fruits secs ou frais en petits morceaux. Laisser figer à température ambiante. Voilà, vous venez de faire de la cuisine moléculaire sans le savoir.

L'oeuf dur parfait, selon Christina Blais, de l'université de Montréal, est un exercice sur les textures. Il faut d'abord, avec une aiguille, percer un petit trou dans la partie renflée de l'oeuf pour permettre à l'air de s'échapper pendant la cuisson. Pas d'eau bouillante, car le blanc d'oeuf cuit à 64 0C ; au-delà, il devient caoutchouteux. Le problème est que le jaune cuit à 68 °C. Au-dessus de cette température, il devient sableux. Solution : cuire l'oeuf à 69 °C. "Mais cette température est presque impossible à maintenir dans une cuisine domestique", dit Christina Blais. Le compromis, à la maison, consiste à placer les oeufs dans une eau froide salée et à porter doucement à une première ébullition, couvrir et laisser reposer pendant une dizaine de minutes. On prendra soin, pendant la cuisson, de faire rouler l'oeuf dans la casserole pour obtenir un jaune bien centré. Le résultat est un oeuf assaisonné (par le sel), au blanc moelleux, bien équilibré autour du jaune pour obtenir de belles tranches, à la double texture idéale. La perfection, pour cette variante moléculaire de l'oeuf de Colomb !

L'affaire se complique avec la chantilly de foie gras. Il faut disposer de 125 ml de gras de foie fondu qui se solidifie en refroidissant. Préparer une réduction (bouillon de volaille ou fond de cuisson) qui contienne de la gélatine. Placer la réduction dans un petit cul de poule en métal, puis, en fouettant, ajouter graduellement le gras fondu. Déposer ensuite le cul de poule sur de la glace concassée et continuer de fouetter jusqu'à ce que le mélange ait la consistance de la crème fouettée. La mousse sera souple mais durcira au réfrigérateur.

Thierry Marx, deux étoiles au Michelin du château de Cordeillan-Bages, en Médoc, inventeur du saucisson en trompe-l'oeil et de la quiche lorraine liquide (Planète Marx. Minerva, 2006, 130 euros).

Source: Le Monde