samedi 16 septembre 2006

Des consultants du BCG travaillent pour Nicolas Sarkozy

A quoi ressemblera la France en 2012 ? Bruxelles aura-t-elle imposé la fin des grandes écoles ? Subira-t-elle une émigration massive vers l'Australie ? Les consultations de chirurgie esthétique seront-elles remboursées par la Sécurité sociale ? Les voies de chemins de fer seront-elles transformées en pistes cyclables ? Un parti islamiste pourra-t-il obtenir 20 % des voix dans la région Nord - Pas-de-Calais ? Ces questions saugrenues, la vingtaine de parlementaires qui composent le comité d'élaboration du programme législatif de l'UMP, les ont découvertes le 22 juin, lors de leur première réunion au siège du parti.



Ils ont fait une autre découverte. Aux côtés de François Fillon, responsable du projet UMP, et Nicolas Sarkozy venu exceptionnellement ouvrir la séance, trois autres personnes les attendaient. Toutes inconnues. Au fur et à mesure de leurs réunions, les 4, 6, 11 et 13 juillet, ils s'habitueront à leurs interventions, à leur exigence d'abandonner la langue de bois des politiques, et à passer de drôles de tests. Un jour, ils devront chercher une forme masquée dans une figure géométrique, parce que l'évidence n'est pas toujours visible. Un autre, ils s'imagineront en rédacteur en chef d'un journal chargé de commenter une réforme qui leur tient à coeur, parce que le savoir-faire doit se conjuguer au faire savoir. Ces trois hommes inconnus sont les animateurs du cabinet international Boston Consulting Group (BCG).
Pour la première fois en France, un parti politique a fait appel à un spécialiste de la stratégie d'entreprise pour l'aider à élaborer son programme et animer les réunions qui y sont consacrées. Sur le site Internet français de BCG, on peut lire : "Notre mission est d'aider les grandes entreprises à créer un avantage concurrentiel durable (...). Nous voulons inspirer aux personnes entreprenantes et imaginatives (...) des idées et des opportunités sans égales de développement professionnel et personnel." Un sabir que les managers comprennent sans dictionnaire, mais encore étranger à la société politique.

L'idée est venue de Gérard Longuet. Le sénateur de la Meuse, qui a lui-même créé une société de conseil, milite depuis longtemps pour ce qu'il appelle une "stratégie de conduite du changement". Responsable de la direction des études de l'UMP, Emmanuelle Mignon n'a pas été longue à comprendre l'intérêt de cette démarche : "Nous avions des experts, des députés avec des idées, mais pas de méthode de travail. BCG a comblé ce manque." Après négociations serrées, le parti a réglé la note : "Plusieurs dizaines de milliers d'euros", avance M. Fillon se refusant à être plus précis.

Et après ? Un quasi-miracle selon les participants à ses séances de remue-méninges. "Les gens se sont vraiment parlés", explique Nadine Morano. "Nous avons renoncé à dire "oui mais" aux idées des autres pour dire "oui et..."", s'enthousiasme Luc Chatel. "Nous avons appris un autre langage", assure Dominique Paillé.



Des propositions, 250 au total, parfois contradictoires, parfois complémentaires, ont surgi de ce travail interactif. 



Source: Philippe Ridet, Le Monde
Article paru dans l'édition du 15.09.06

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